Droits d'auteur: une insulte pour les architectes !

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Nouvelle réforme fiscale: Position du fisc et de l'état, une insulte pour la profession

L’Ordre des Architectes est interpellé régulièrement par des bureaux d’architecture qui se plaignent des décisions de l’administration fiscale qui requalifie en revenus professionnels des revenus perçus suite à une cession de droits d’auteur.

Le mécontentement des architectes est compréhensible et justifié.

Par ailleurs, le gouvernement – par le biais de son Ministre des Finances – planche à une réforme fiscale qui mettrait fin au régime favorable qui s’applique aux revenus liés aux droits d’auteur. L’Ordre condamne cette option.

Il nous a semblé utile de faire le point.

La législation actuelle et la position du fisc

Pour rappel :

une loi du 16 juillet 2008 prévoit que les revenus qui résultent d’une cession de droits d’auteur sont considérés comme des produits d’avoirs mobiliers et sont donc soumis à un taux d’imposition de 15% étant précisé qu’il s’agit de revenus nets avec un plafond de revenus annuels de 37.500 € (indexé à 64.070 € pour les revenus 2022) ;
la loi du 30 juin 1994 sur les droits d’auteur précise que les dits droits portent sur des « œuvres littéraires et artistiques » lesquelles doivent être considérées comme telles si elles répondent à 2 conditions cumulatives : le caractère original et la mise en forme.

La jurisprudence et la doctrine s’accordent pour affirmer que les projets architecturaux sont protégés par des droits d’auteur.

Dans 2 avis datant de 2016, le Service des Décisions Anticipées (ruling) a estimé que « le travail des architectes ……. se composant de projets, de dessins, de maquettes, de présentations, …, peut être considéré comme du travail d’art et de littérature bénéficiant d’une protection de droits d’auteurs ».

Depuis plusieurs mois, probablement sur instructions du Ministre des Finances, Vincent Van Peteghem, l’administration fiscale a modifié sa position en refusant systématiquement aux architectes le droit de se prévaloir du régime fiscal favorable lié aux droits d’auteur.


L’Ordre des Architectes n’a pas manqué de critiquer les décisions du fisc notamment :

  • en éditant une carte blanche à laquelle les médias n’ont malheureusement pas réservé une grande visibilité ;
  • en tenant une réunion au cabinet du Ministre Van Peteghem : cette réunion a vu les collaborateurs du Ministres « se cacher » derrière l’autonomie de l’administration dans l’appréciation et l’analyse des dossiers fiscaux ;
  • en organisant une entrevue avec les responsables du SPF Finances : l’entretien fut tendu, l’administration faisant preuve d’une grande rigidité et d’un manque d’ouverture.

Les arguments juridiques soulevés par le fisc pour requalifier en revenus professionnels les revenus issus des droits d’auteur sont dénués de fondement, ce que l’Ordre a longuement développé.

Ainsi, il a notamment été expliqué que l’existence même de droits d’auteur n’était en rien conditionnée par une éventuelle exploitation des dits droits et que la cession des droits d’auteur entre l’architecte et son client est à tout le moins implicite à défaut de quoi ce dernier ne serait pas autorisé à exécuter les travaux de construction (et de rénovation) sur la base des plans de l’architecte.

Mais là où la position de l’administration fiscale est insoutenable c’est dans sa contestation systématique du caractère original d’une œuvre architecturale
.

En adoptant un tel point de vue, l’administration nie l’essence même de la profession d’architecte. Elle remet totalement en cause la dimension culturelle, artistique et philosophique de l’architecture.

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Conseil

Si vous faites l’objet d’un contrôle fiscal sur les revenus liés à des cessions de droits d’auteur, prenez l’initiative de justifier de façon complète et détaillée le caractère original de l’œuvre architecturale. Expliquez les méthodes mises en place et les systèmes élaborés pour répondre notamment aux demandes de votre client.

Par ailleurs, il est souhaitable de préciser dans votre contrat d’architecture, la partie des montants réservés à la cession des droits d’auteur et d’établir une facturation séparée pour cette cession.

La future réforme fiscale

La réforme fiscale qui s’annonce prévoit de supprimer aux architectes la possibilité de bénéficier du régime fiscal favorable lié aux droits d’auteur, cette possibilité allant être laissée aux seuls « artistes ».

Cette réforme pourrait plonger des bureaux d’architecture et donc des indépendants - qui font tourner l’économie - dans des difficultés financières. Il convient de rappeler que dépendent des architectes de nombreux métiers liés à la construction. Les droits d’auteur constituaient un ballon d’oxygène pour certains architectes. La profession d’architecte est fragilisée : les architectes constituent la profession libérale la moins bien payée (avec les vétérinaires) !

Et à nouveau, doit être fait le constat du manque d’estime du politique à l’égard de l’architecture alors qu’il peut être clairement affirmé que tout œuvre architecturale est une création.

La position du fisc et la réforme fiscale s’inscrivent pleinement dans le cadre des déclarations du Ministre Van Peteghem selon lequel les architectes ne sont pas des créatifs (sic).

L’Ordre des Architectes ne peut accepter une politique administrative et étatique qui insulte la profession d’architecte et déconsidère l’architecture.

Nous poursuivrons nos actions en défendant les valeurs fondamentales de la profession.